gabriel yacoub rêveur de mots...
les choses les plus simples, christian pirot éditeur, distribution harmonia mundi
qui n'a chuté sur le récurrent évocatif "ancien leader de malicorne" en voulant parler de gabriel yacoub ?
ce groupe de légende a tant fait pour inventer un folk électrique moderne et poétique qu'on ne peut en vouloir aux uns et aux autres de garder ainsi cette aventure en mémoire
et c'est d'ailleurs au sein de malicorne que gabriel a commencé à écrire des "vrais-faux traditionnels" comme "margot" ou "c'est le mai"
depuis, tout seul, et aussi après sa rencontre avec françois hadji-lazaro, qui doit également sortir un recueil de textes chez le même éditeur, gabriel yacoub s'est construit une petite place dans le joli et si peu médiatisé monde de la chanson
lors de sa dernière tournée en bretagne, qui suivait le si beau dernier album, l'envie d'écrire se pressentait déjà ...
"c'est vrai que c'est mon plaisir, mon moteur de création
l'écriture me procure aujourd'hui largement plus de plaisir que la musique
j'aime la musique, j'aime la jouer, l'arranger et chanter mais c'est de plus en plus un outil pour porter le texte
aujourd'hui je me sens plus auteur que compositeur et c'est vrai aussi qu'écrire autre chose que des chansons me tente un peu, cela fait une petite vingtaine d'années que j'écris, j'ai mis du temps à m'y mettre mais je pense qu'avec la technique, l'artisanat que j'ai pu acquérir, peut-être un jour..."
et en attendant ce jour, l'éditeur christian pirot a eu la bonne idée de faire à gabriel une place entre gaston couté et jacques debronckart et c'est là bien méritée...
l'ami serge le vaillant, l'animateur talentueux des nuits de france-inter, attendait aussi avec tendresse et gourmandise ce recueil de textes...
"je me souviens surtout de gabriel, rencontré presque par hasard, un soir dans une brasserie près de la maison de radio france, seul à une table, devant un café, il patientait avant une émission...
non, il était dans son impatience et il n'était pas seul
malgré le brouhaha, les éclats du percolateur et le programme insipide de la télé que le patron avait allumée par mauvaise habitude
j'ai vu un artiste dans sa bulle ouverte, griffonnant sur un petit carnet quelques phrases mystérieuses dont je sais malgré tout qu'elles étaient généreuses et qu'elles n'avaient, qu'elles n'ont, qu'une seule volonté, nous rassembler
il est toujours rassurant de s'avoir qu'on n'est pas seul au monde
quelle chance tu as, monsieur yacoub de savoir capter l'universel malgré le tumulte et de nous l'offrir
merci
tu ne peux pas te souvenir que ce soir-là , je t'ai salué en embrassant ta main, celle qui écrit
en te lisant je le refais aujourd'hui"
soixante douze textes magnifiques préfacés aussi par joan baez qui le chanta avec maxime le forestier...
pour 15 minuscules euros
le bonheur
n° 17 nov dec 2002
ronan manuel - adsa
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les choses les plus simples
christian pirot éditeur [petite collection] 2002 - 15€
l'époque des chansonniers est révolue
l'humour et le charme ont fait place, chez nos bardes contemporains, au désenchantement et à la tristesse, au combat social et à l'ironie...
ce changement de paradigme ne nous empêche pas de nous poser la question : leurs chansons peuvent-elles s'apprécier, se lire, sans le support de la musique ?
plus précisément, doit-on connaître et apprécier les chansons de gabriel yacoub avant d'ouvrir l'ouvrage [recueil de ses chansons-poèmes] qui lui est consacré ici ?
c'est toute la problématique posée par la petite collection de chez christian pirot qui fait le pari, de toute manière, d'accoucher les chansons en poèmes...
dans cette collection, bernard dimey et georges moustaki côtoient pierre louki, gilles vigneault, et jusqu'à , "last but not least", françois hadji-lazaro
au lecteur de se positionner
il est clair que c'est parce que ces auteurs sont connus en tant qu'interprètes que leur recueil a des chances de se vendre
mais leur poésie prendra-t-elle une nouvelle force sans le support de la musique ?
la déception littéraire peut parfois l'emporter sur la joie des retrouvailles...
sans doute, leur poésie ne se résume-t-elle pas à celle de leurs mots
le sens prime sur le mot, il s'agit d'une poésie d'ambiance plutôt que d'une poésie de matière
une fois ceci établi, dans ce cadre là bien précis qui est celui de la "chanson-poème", un genre qui remonte finalement loin dans le temps, on peut réussir à oublier l'unité de forme, ces rengaines "couplets-refrains" souvent préservées, ces facilités de répétition, pour se concentrer sur le reste
qu’est-ce que veulent nous dire ces auteurs ?
ne serait-ce que par le groupe de folk-rock français malicorne, l'auteur-interprète gabriel yacoub est relativement connu
relativement car il n'a jamais cédé aux "sunlights" du "show business"
connu, car ses chansons, mine de rien, ont bercé toute une génération, et pas n'importe laquelle, celle qui a lancé le renouveau des musiques "trad" à partir des années 70, en mêlant au rock d'alors une couleur bien française, une couleur parfois poétique, d'une douce intransigeance
gabriel yacoub fait couler des mots simples, dans des phrases simples, aux détours desquelles jaillit parfois une poésie simple
aucune recherche particulière de formes, autant dire aucun artifice [pas de majuscules, pas de ponctuation]...
la forme ne doit pas déranger le sens, elle laisse au contraire défiler le paysage, imperceptiblement ; un paysage qui parle des choses de la vie, entre vent et eau, entre cailloux et tours de babel, entre exil intérieur et tendresse, entre souvenir et voyage
pas même de musicalité au sens "gainsbourg-ien" du terme, le rythme des phrases a sa musicalité propre, étonnamment fluide, bercée par des alexandrins discrets ["l'une vivait d'amour et de gymnopédies"]
il s'agit d'une poésie ancrée dans son temps, mais intériorisée par le rêve, lunaire, qui décrit sans juger, qui résonne d'abord dans l'imaginaire
je resterai ici | je ne partirai pas
même si je sais par cœur | qu'il fait toujours meilleur ailleurs
mais je resterai là | pour la couleur du ciel
de ces jours de grand vent | qui n'en finissent pas
[in je resterai ici]
n° 134 - février 2003
dominique feniès - écoutervoir
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